Diviser la pleine propriété en ses deux composantes essentielles, à savoir la nue-propriété et l’usufruit, c’est ce qu’on appelle le démembrement de propriété. Cette manœuvre juridique est couramment appliquée lors des donations ou successions en famille, offrant un avantage significatif : une diminution conséquente des charges fiscales.
Le propriétaire démembré peut être soit un usufruitier, qui jouit du droit d’usage du bien (usus) et du droit de percevoir les revenus de ce dernier (fructus), soit un nu-propriétaire, qui a le droit de vendre le bien (abusus). Ces deux droits sont distincts, mais pour vendre le bien démembré, l’approbation de l’usufruitier et du nu-propriétaire est nécessaire.
A la mort de l’usufruitier, le remembrement de la propriété se produit : le nu-propriétaire obtient alors la pleine propriété du bien, sans devoir payer de droits de succession. Il est libre de l’utiliser, de le louer ou de le vendre. Dans le cas où le nu-propriétaire décède en premier, la nue-propriété est transférée aux héritiers et est incluse dans la succession, mais seulement à la valeur de la nue-propriété.
Outre l’immobilier, le démembrement de propriété peut également être appliqué à un compte titres ou à un contrat d’assurance-vie, bien que cela soit moins fréquent. En revanche, les PEA, les livrets d’épargne ou les plans d’épargne logement ne peuvent pas être démembrés.
Comprendre les composants clés : Usus, Fructus et Abusus
Le démembrement est basé sur la théorie juridique qui divise le droit de propriété en trois éléments : l’usus (droit d’utilisation), le fructus (droit de récolter les bénéfices) et l’abusus (droit de vendre). L’usufruitier a le droit d’utiliser le bien pour ses besoins personnels ou de le louer et de percevoir les loyers. De son côté, le nu-propriétaire a le droit de vendre le bien, à condition de respecter les droits de l’usufruitier.
Les avantages fiscaux du démembrement lors des donations
Le démembrement de propriété est souvent utilisé dans le cadre familial. Il offre la possibilité de donner la nue-propriété d’un bien à ses descendants tout en conservant l’usufruit. Cela signifie que vous pouvez continuer à utiliser le bien immobilier, par exemple en y vivant ou en le louant pour obtenir un revenu, tout en préparant progressivement la transmission de votre patrimoine en profitant des exonérations fiscales en vigueur.
Il est possible de donner 100 000 € tous les 15 ans par parent et par enfant, sans avoir à payer de droits de donation (depuis le 31 juillet 2012). Un couple avec deux enfants peut ainsi donner jusqu’à 400 000 € sans impôts.
La donation de la nue-propriété offre trois avantages principaux : les droits de donation sont réduits car ils sont calculés non pas sur la valeur totale du bien, mais uniquement sur la nue-propriété ; les valeurs de la nue-propriété et de l’usufruit sont déterminées en fonction de l’âge du donateur au moment de la donation, la valeur de la nue-propriété augmentant avec l’âge du donateur ; et enfin, l’administration fiscale accepte que le donateur paie les droits et frais de donation (normalement dus par le bénéficiaire), et ne considère pas ces montants comme une donation.
Le démembrement dans le contexte des successions
Le démembrement est fréquemment utilisé lors des successions. Il n’est pas rare que le conjoint survivant hérite de l’usufruit des biens du conjoint décédé. Le conjoint usufruitier peut utiliser tous les biens et en percevoir les revenus, par exemple en habitant ou en louant la résidence principale. Ici encore, la valeur de la nue-propriété est déterminée par l’âge de l’usufruitier (dans cet exemple, le conjoint survivant) au moment du démembrement.
Répartition des charges entre l’usufruitier et le nu-propriétaire
Dans le cas d’un démembrement résultant d’une donation (et non d’un décès), l’usufruitier est responsable de toutes les charges, qu’elles soient liées à l’entretien du bien ou à des travaux importants. Cependant, lorsque l’usufruit d’un bien immobilier revient à un conjoint survivant suite au décès de l’autre conjoint, celui-ci n’a qu’à assumer les charges courantes.
La donation temporaire d’usufruit
La donation temporaire d’usufruit est une solution particulièrement adaptée si vous souhaitez soutenir l’un de vos proches sans vous démunir, tout en réduisant votre impôt sur la fortune immobilière. Cette technique consiste à transférer, pour une durée définie (généralement 10 ans), l’usage ou les revenus d’un bien. Cependant, vous conservez la nue-propriété du bien.
Trois avantages sont à noter : vous ne vous débarrassez pas du bien ; le bien en question est exclu de votre patrimoine pendant la durée de la donation, ce qui permet de réduire votre IFI (si c’est un bien immobilier) ; les droits de mutation sont limités : les droits à payer pour un usufruit temporaire de 10 ans sont calculés sur 23 % de la valeur en pleine propriété du bien.
Cependant, cette forme de donation ne permet pas de préparer sa succession « en douceur » : à l’issue de la période prévue, l’usufruit s’éteint automatiquement. Le bien concerné fait à nouveau partie, en pleine propriété, du patrimoine du donateur. À son décès, les droits de succession devront alors être payés par les héritiers.
En revanche, la donation temporaire d’usufruit offre une flexibilité particulière, permettant par exemple de venir en aide à un proche pendant une période difficile, sans pour autant se séparer définitivement du bien.
Il est important de noter que ce mécanisme est très surveillé par l’administration fiscale. Les contrôles sont fréquents et les sanctions peuvent être lourdes en cas d’abus. Il est donc essentiel de bien réfléchir à l’opportunité et à la mise en œuvre d’une telle opération, et d’être accompagné par un professionnel (notaire, avocat spécialisé, conseiller en gestion de patrimoine).
Il convient aussi de mentionner que le démembrement de propriété peut également s’appliquer à des biens mobiliers (actions, parts sociales, etc.). Cette technique est notamment utilisée dans le cadre de la transmission d’entreprises. Il est alors possible de donner la nue-propriété des titres de la société tout en conservant l’usufruit, ce qui permet de continuer à percevoir les dividendes et de garder le contrôle de l’entreprise. À la fin de l’usufruit, les titres reviennent en pleine propriété aux nus-propriétaires, sans droits de succession à payer.
Enfin, il faut noter que le démembrement de propriété a également des implications fiscales sur l’impôt sur le revenu. En effet, l’usufruitier est en principe redevable de l’impôt sur le revenu sur les revenus générés par le bien (loyers, dividendes, etc.). Il est donc essentiel de prendre en compte cet aspect dans la réflexion globale sur l’opportunité d’un démembrement de propriété.
En conclusion, le démembrement de propriété est un outil juridique et fiscal très puissant, qui permet de répondre à des problématiques diverses : préparation de la transmission de son patrimoine, protection du conjoint survivant, optimisation fiscale, etc. Cependant, sa mise en œuvre nécessite une bonne connaissance des règles juridiques et fiscales applicables, ainsi qu’une analyse précise de la situation et des objectifs de chacun. Il est donc vivement recommandé de se faire accompagner par un professionnel dans ce type d’opération.
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